Hommage …à Bernard B. Dadié/Sylvestre Ouréga, Ecrivain: « Bernard Dadié nous a laissé en héritage l’amour des belles lettres »

L’homme, nous a quittés le 9 mars 2019, à l’âge de 103 ans. On va dire qu’il a eu une vie bien remplie au service des belles lettres, car au-delà de Climbié qui a marqué nos années collège, nous avons, chemin faisant, découvert que l’homme était aussi un immense poète doublé d’un dramaturge. Son œuvre Monsieur Thôgô-Gnini (pièce de théâtre), a été longtemps jouée dans les lycées et collèges. Sylvestre Ouréga, Ecrivain s’en souvient…

« Le travail et après le travail l’indépendance mon enfant, n’être à la charge de personne telle doit être la devise de votre génération. Et il faut toujours fuir l’homme qui n’aime pas le travail.»… Cette citation de Bernard Belin Dadié a marqué nos années collège.

Pour nous autres qui étions entrés au collège dans les années 80, cette citation de l’auteur Bernard Dadié a été une puissante source de motivation à réussir à tout prix nos études. C’était par ailleurs les années où, le pouvoir public nous rabâchait que le succès du pays reposait sur l’agriculture. En même temps, le président Félix Houphouët Boigny rappelait constamment à la nation son intérêt pour la science. Qui ne se souvient pas de sa fameuse citation :  » les chercheurs qui cherchent, on en trouve, mais ceux qui trouvent, on en cherche » ? Il y avait donc comme une volonté politique que de former davantage de scientifiques afin d’engager le pays dans une dynamique de développement qui passerait par la transformation endogène de ses matières premières brutes, dont le cacao.

Du coup, nous comprenions bien, nous autres enfants de paysans, que, tel Climbié, nous pouvions réussir à nous faire une place au soleil en étant consciencieux au travail et à aller toujours de l’avant afin de ne pas un jour se « retrouver à la charge de personne »… Même les élèves qui avaient manifestement une âme de littéraires travaillaient avec acharnement à préserver de bonnes moyennes de classe dans les disciplines scientifiques.  Et si vous vous hasardiez à demander à un élève de l’époque, qu’est-ce qui le faisait tant courir, il y avait 90 % de chance qu’il vous crache la citation de Dadié, avec dévotion, la main sur le cœur.

Et la petite histoire, c’est que même quand nous nous retrouvions en vacances, pendant les travaux champêtres, nous travaillions avec grand dévouement, aussi motivés que nous étions par la maxime que l’auteur de Climbié avait pour ainsi dire réussi à imprimer dans nos jeunes esprits. Tout le monde s’était fait siens les conseils que l’oncle de Climbié lui avait prodigués.

Bernard Dadié nous a laissé en héritage (je parle toujours des gens de notre génération), l’amour des belles lettres. Car, croyez-moi, nous étions bien conscients, que Climbié, sa mythique œuvre fut publiée, semble-t-il en 1956, bien avant l’indépendance de notre pays. Ainsi, ce bouquin faisait partie des premières œuvres d’auteurs africains qui prenaient en compte les réalités africaines, et plus spécifiquement, ivoiriennes. Pour nous, élèves de ces années collège, on voyait les Dadié, Mongo Beti, Camara Laye, Francis Bebey, et autres Kourouma, comme des extraterrestres. On portait un intérêt particulier aux histoires contenues dans leurs œuvres, mais surtout à leur style d’écriture, qui fascinait tant.

Je me souviens encore, qu’un jour, le professeur de Français nous avait donné un sujet de dissertation libellé comme suit :  » Racontez une histoire qui vous a marqués ». C’était en 5ème. Alors, moi, qui avais déjà dévoré pas mal de romans, plusieurs petites histoires de personnages de livre se sont bousculées dans ma petite tête. Et devinez, l’œuvre qui m’a inspiré pour construire mon intrigue… Climbié, de Bernard Dadié.  Je m’en étais sorti à bon compte avec une excellente note.

Par ailleurs, si je suis aujourd’hui écrivain, c’est en partie grâce à Bernard Dadié. Je voulais un jour devenir un auteur comme lui, usant de ma plume pour conscientiser les plus jeunes à aimer le travail. D’ailleurs, si vous lisez bien mes œuvres, vous vous en rendrez bien compte. Elles sont logées dans la catégorie Littérature de Jeunesse. « Les années collège », qui est au programme scolaire, est essentiellement un appel au travail, à des comportements responsables, et à la culture de valeurs morales et civiques, indispensables à la réussite scolaire.

Quelle ne fut pas ma surprise après mes années collège, puis les études universitaires, jusqu’à commencer à  » travailler afin de ne pas être à la charge de personne », d’apprendre que l’auteur de cet hymne au travail et au courage, était toujours parmi nous. Et dire que j’ai été très heureux de me retrouver, par un heureux concours de circonstance, nez à nez, avec cet homme que je prenais pour un dieu, n’est qu’une lapalissade !

L’homme, nous a quittés le 9 mars 2019, à l’âge de 103 ans. On va dire qu’il a eu une vie bien remplie au service des belles lettres, car au de-là de Climbié qui a marqué nos années collège, nous avons, chemin faisant, découvert que l’homme était aussi un immense poète doublé d’un dramaturge. Son œuvre Monsieur Thôgô-Gnini (pièce de théâtre), a été longtemps jouée dans les lycées et collèges…

Puisse la jeune génération d’auteurs africains et singulièrement, ivoiriens être aussi dignes que l’illustre disparu, et porter toujours aussi haut le flambeau de la littérature africaine.

 

 

 

Auguste Gnalehi