Pose de faux cils: Voici les dangers qui guettent les femmes

La pose des cils artificiels  devient de plus en plus fréquente chez les filles et femmes ivoiriennes. Véritable atout de beauté cette pratique n’est pas sans conséquences sur la santé de celles qui s’y adonnent.

Au marché d’Adjamé, situé au nord de la capitale économique ivoirienne, les clientes en file indienne sont installées sur de longs bancs.  Devant elles, sont assises des femmes. Dans les mains comme instrument de travail une pince, des faux cils et une colle spéciale  qui serviront à la pose des cils. Les faux-cils sont de différentes longueurs, épaisseurs, courbures et couleurs afin de créer le look souhaité. Elles posent habilement sur le dos de leur main, des rangées de faux cils qu’elles disposeront bientôt sur les cils de la  cliente de même que la colle de couleur noire dans laquelle elles plongent  la racine des faux cils qui seront posés un par un sur le cil naturel, dans le but d’allonger et d’étoffer la densité ciliaire des yeux produisant un regard accentué.

La cliente est installée sur un tabouret, elle immobilise les paupières à l’aide de ses doigts et place les cils sur la paupière inférieure de temps en temps des larmes s’échappent de l’œil écarquillé. Elle trempe les cils un à un  dans la colle avec une pince puis les pose sur les cils.

Cette étape de remplissages dure entre 30 et 45 minutes.

                La provenance des cils et la procédure de  pose

Au marché Roxy, situé aussi dans la commune d’Adjamé, plusieurs magasins se côtoient. De la vente de la papeterie aux produits cosmétiques. Chacun y va de son choix.  Dame Abiba tient un magasin de produits cosmétiques. Sur l’étalage sont exposés plusieurs produits (des vernis à ongles, de faux ongles ainsi que  les faux cils). Ici, il n’y a que de la vente en gros. Les faux cils sont vendus soit en carton d’une douzaine, soit en demi. Selon elle, ces produits viennent de la Chine. Il existe deux types de faux cils. Les premier, ce sont les ‘‘temporaires’’. Ils sont fixés à l’aide d’une colle peu résistante qui facilite leur décollage. Ainsi les femmes les mettent le matin en sortant et l’enlèvent le soir une fois  à la maison.  Le second, est appelé ‘‘extensions de cils’’ qui restent en place plusieurs semaines. Détachés les uns des autres, ils sont les plus difficiles à mettre et à enlever. Ce qui accroit le risque de leur pose. Il en existe de plusieurs longueurs différentes avec des volumes en cils plus ou moins importants selon l’effet désiré. Pour les détaillantes qui viennent acheter le carton de faux cils,  la vente se fait selon le nombre de rangées dans une boite. Ainsi, il y a des boites de 3, 4 ,6 et 8 rangées. Pour les 3 et 4 rangées, la revendeuse déboursera 5.000 FCFA pour la douzaine et 2.500 FCFA pour la demie. Quant aux rangées de 6 à 8, les prix varient selon les magasins; dans certains cela coûte 5.000 FCFA tandis que dans  d’autres c’est à 7. 500 CFA. Les négociantes revendent auprès des femmes à 500 FCFA pour les rangées de 3 et 4. Les 6 et 8 rangées, sont vendues à 1.000 CFA. Dame Abiba relève que le chiffre d’affaires dépend de la qualité. «  Le faux cil qui marche le plus est la boite de faux cils qui comporte les rangées de 4. Les rangées de 8  sortent le moins. Actuellement je suis en rupture de stocks pour ce qui concerne les rangées de 4, il ne me reste que les 8 rangées, ça s’achète difficilement », indique-t-elle.

Elle explique aussi le mécanisme de la pose. « Dans une boite, il  y a des rangées de 4 ou 8. On fait les prix selon les rangées. Lorsqu’une femme apporte une rangée de 4 ou qu’elle désire un rangée de 4, on lui vend à 500 et la main d’œuvre à 500 CFA. Ce qui lui fera 1000 FCFA pour les travaux. Pour les 8 rangées, on vend à 1000 FCFA et on pose à 500 CFA pour la femme», informe-t-elle.

Interrogée sur le nombre de femmes qu’elle reçoit par jour, dame Martine explique que cela dépend de la période.

«Ça dépendDurant les périodes de fêtes ça marche bien. On reçoit 30 femmes c’est pour une estimation mais c’est au-delà de ce nombre. A Cette période, on fait des recettes allant  de 20  à 50.000 frs. Aux jours ordinaires, le nombre est plus réduit. Si on n’a rien eu  3.000 FCFA, 5.000 FCFA et 10.000 FCFA. Il peut arriver qu’on fasse la pose des faux cils durant toute une journée», souligne-t-elle.

Juste à côté d’elle se trouve dame Fatou K., elle  est dans le métier depuis plusieurs années. Elle explique quelques rudiments de cette pratique : « Aujourd’hui j’ai eu 02 femmes qui se sont faits poser les faux cils. C’est sur le cil naturel que je pose les faux cils. Je mets la colle sur la paupière non dans le creux de l’œil. Lorsque les bouts des cils sont mal posés, ils flottent sur la cornée et gêne la vision Car quand on met d’une autre manière ça pique. Il faut éviter l’œil», révèle-t-elle.

                          La dangerosité des faux cils

Même si Dame Fatou reconnait que c’est une activité rentable, elle admet toutefois sa nocivité.

« Je ne conseille pas la pose à tout temps du faux cils. À force de poser fréquemment ça finit par abimer les  cils naturels. Il faut éviter de toujours les poser. Il ne faut pas exagérer. Ce n’est pas bon pour la santé des yeux », avoue-t-elle. Et cette réalité, la sœur de K. Colette l’a apprise à ses dépens. Aujourd’hui elle se retrouve avec cils réduits, presque inexistant. « J’avais fréquemment l’œil rouge et les paupières enflées lorsque je posait les faux cils. Ces signes ne m’ont pas alerté. J’ai même demandé,  à ma poseuse, elle m’a affirmé que ce n’était pas lié à la pose de faux cils et que même la colle utilisée guérit la conjonctivite. J’ai continué jusqu’à ce que je perde progressivement les cils. Je croyais que cela était dû à autre chose c’est-à-dire une maladie de l’œil. Mais j’ai remarqué que quand je stoppais la pose pendant un certain temps, je n’avais plus les signes. Alors ça fait deux mois que j’ai arrêté. Depuis ces cils poussent naturellement », relate-elle. Même si, elle a arrêté, elle a encore des séquelles qui sont visibles notamment la disproportion au niveau de la longueur des cils.

Docteur Faustin Koffi Konan, ophtalmologue à l’hôpital médical des impôts, explique que les femmes les posent pour un problème esthétique. Au-delà de l’esthétique, il faut  qu’elles voient l’avenir de l’œil. Selon lui, les risques sont de divers ordres. Ils peuvent être à court, moyen et long terme. A  court terme, ce sont des lésions d’origine allergique c’est-à-dire des plaies, des conjonctivites allergiques ou les ulcères cornées qui sont des plaies sur la cornée  c’est-à-dire sur la partie noire de l’œil. Puis à moyen terme, apparaissent des gênes genre  photophobie  c’est-à-dire quelqu’un qui est gêné à la lumière, des infections  et rougeurs fréquentes qui entrainent des excroissances de la conjonctive, ce qu’on appelle communément  ptérygion et puis à long terme, il y  a un syndrome qui est fréquent qu’on appelle la sécheresse oculaire. Selon le docteur, voici des signes avant coureurs qui doivent alerter la femme : « On ne voit ces signes-là qu’après le weekend. Ce sont  des rougeurs, des femmes qui ont des larmes qui coulent, qui ont l’impression d’avoir un corps étranger dans l’œil, ou  bien l’œil  se gêne à la lumière ou bien l’œil se  colle carrément. Un œil douloureux, ce sont ces signes qui doivent amener ces femmes à voir un ophtalmologue. Logiquement un œil est censé ne pas rougir, il est blanc, il  est censé ne pas couler si on ne pleure pas.  Un œil est censé ne pas avoir de douleur, donc quand ces signes  qui ne sont pas  de l’ordre à maintenir le calme apparaissent, elles doivent faire  l’objet d’une consultation ophtalmologique », relève-t-il. Revenant sur la composition des matières utilisées, il explique: « je suis parti, j’ai vu que c’est une colle  qu’elle utilise mais les compositions chimiques, je ne saurais le dire. Il faut savoir que tout produit qui n’a pas le PH proche de la larme est dangereux pour l’œil. Un produit qui est acide ou basic est irritant pour l’œil. Dû coup même ne sachant pas la composition,  ce produit n’est  pas fait pour l’œil. Les seuls produits pour l’œil sont les collyres  vendus en pharmacie.  Dès lors,  que ce ne sont pas les collyres c’est déjà dangereux sans même savoir sa composition  chimique. »  En guise de conseil, il recommande  ceci : « Il  y a d’autres qui utilisent d’autres artifices pour ne pas avoir à utiliser de colle. Si je  peux le dire, je dirai à nos femmes que ce n’est pas la peine de  chercher à ressembler aux femmes européennes qui ont des cils assez longs, de garder les cils naturels. Ce n’est pas  ça qui fait la beauté d’une femme parce que les cils artificiels sont faits pour ne pas améliorer leur santé oculaire.  Donc je leur dirai  simplement d’éviter les cils artificiels».

Vu ces risques que causent les faux cils et le grand nombre de femmes et filles qui s’y adonnent, des campagnes de sensibilisation doivent être initiées par le Ministère de la Santé afin de proscrire et/ou de limiter la pause des faux cils qui peuvent être réservées pour des événements occasionnels, par exemple les mariages,  les fêtes de famille.

L.O.

 

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